Vivos voco, j’en appelle au vivant, 2024. Cur. Margot Anquez Bariseau, La Tour Orion, Montreuil (FR)


Exposition collective, dont l’instigatrice est une sculptrice, à l’attention d’une artiste audio-visuelle, d’un écrivain et d’une plasticienne.


Dans un jardin, les corps et les esprits peuvent se considérer comme formes vivantes au milieu d’une multitude d’autres formes mouvantes, organisées et résilientes, à la fois étrangères à soi et profondément enracinées dans la même existence. Le jardin apparaît successivement flamboyant, asséché, mort, en bourgeon. C’est une quête, une volonté résolument humaine de non pas produire, mais de créer. C’est une création avec le vivant, qui ne peut se délier des règles qu’il impose. Pourtant ils ont des noms, des travées, des débuts et des fins, ils sont à quelqu’un.e. Chaque jardin est associé à celui.elle qui le forme, mais il est pourtant plus lié avec tous les autres qu’à la main qui le taille. Les haies sont des rencontres, elles ne séparent que les humain.es, le vivant n’y fait pas attention et passent entre, en dessous, au-dessus. Ici se présente un colloque de jardins, qui se rencontrent entre eux, et les visiteur.euses sont invités à observer les interactions formelles que ces émergences nouent. L’immanence de cette forme de poésie végétale s’impose en façon de créer par et pour elle-même.

Vivos voco - J’en appelle au vivant, s’inscrit dans un cycle d’expositions guidées par l’idée de jardin. Pour cette troisième proposition, Margot Anquez Bariseau invite les artistes Emilia Labbé, Ulysse Feuvrier et Minh Boutin dont les pratiques sont prises dans des imaginaires poétiques, vivants, biologiques. Vivos voco prend son nom de l’oeuvre d’Ulysse Feuvrier, qui entrelace les corps aux arbres par l’acte d’écriture. Pris dans des chemins où la chair et l’esprit vont de couleurs en textures, percevant le souvenir d’êtres perdus et la réalité sensible se superposer, Ulysse suspend le cours logique du temps et retourne à la terre. La perception de son existence, coule dans un mouvement continu, de la psyché à l’extérieur de soi, et à l’inverse du territoire à l’intime.

Cette réciproque propre au désir de fusion du corps et du monde végétal, traverse aussi l’oeuvre de Minh Boutin comme une vibration énergétique apaisante. Ce mouvement en deux temps, en miroir, rythme, par un principe de lenteur et de fluidité les sons et images qu’elle produit. Minh incarne Ginkgökoko, un jardin musical onirique mêlant chant, piano et électronique, mi-pop, mi-expérimental. Elle forge un univers dans lequel la transformation des matières, qu’elles soient sonores ou visuelles, distille en nous l’expérience sensible de la forêt et la promesse d’un apaisement intérieur.

Pourtant cette itération du jardin appelle au désordre, sans chronologie, brouille les repères biologiques. En se saisissant d’objets de la vie quotidienne, issus de l’enfance, transférant la souveraineté de l’habitat humain à celui de l’abeille, Emilia offre un récit qui se place à mi-chemin de la réalité et de la fiction pour se saisir des effets inquiétants de la civilisation humaine. Ces reliefs d’une histoire qui vit parallèlement à la nôtre sont à la fois l’original et la copie de ces symbioses entre abeilles et humain.es. repensant la hiérarchie des vivants dans un monde où les règnes biologiques sont subtilement remis en question. Les installations d’Emilia sont une fenêtre entre notre ici et son là-bas.

Après le chaos, la vie dans une anarchie des formes et des origines naît. Peau, écorce ou surface rocheuse, les créatures que Margot dissémine dans l’espace habitent ce jardin mutant. Argile et bois fusionnent pour créer des êtres où les frontières entre l’humain et le non-humain s’estompent. Par l’hybridation de la chair et de l’architecture, elle conçoit des chimères qui redéfinissent les limites entre l’inerte et le vivant, le sacré et le profane. Ici, l’hybridité des corps témoigne d’une volonté d’établir une continuité entre les éléments vivants et non-vivants, invitant à penser en termes de relation et de devenir.


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Group Exhibition, Initiated by a Sculptor, for an Audiovisual Artist, a Writer, and a Visual Artist


In a garden, bodies and minds find themselves as living forms among a multitude of other moving, organized, and resilient forms, both foreign to themselves and deeply rooted in the same existence. The garden appears in turn as vibrant, withered, dead, or budding. It represents a quest, a resolutely human desire not to produce, but to create—a creation with the living, bound to the rules it imposes. Yet gardens have names, pathways, beginnings, and endings; they belong to someone. Each garden is tied to the one who shapes it, but it is, in fact, more connected to all others than to the hand that prunes it. Hedges are encounters, separating only humans; the living pays no attention to them, passing between, below, and above. Here is a colloquium of gardens, meeting among themselves, inviting visitors to observe the formal interactions these emergences weave. The immanence of this vegetal poetry imposes itself as a way of creating by and for itself.

**Vivos Voco – I Call Upon the Living** is part of a cycle of exhibitions guided by the idea of the garden. For this third iteration, Margot Anquez Bariseau invites artists Emilia Labbé, Ulysse Feuvrier, and Minh Boutin, whose practices are steeped in poetic, vibrant, and biological imaginaries. *Vivos Voco* takes its name from the work of Ulysse Feuvrier, who intertwines bodies with trees through the act of writing. Entangled in pathways where flesh and spirit move between colors and textures, evoking the memory of lost beings as layered with the sensitive reality of the present, Ulysse suspends the logical flow of time, bringing it back to the earth. His perception of existence flows in a continuous movement, from psyche to the external world, and inversely, from territory to intimacy.

This reciprocity—the desire for fusion between body and vegetal world—also courses through Minh Boutin's work as a soothing energetic vibration. This mirrored, two-part rhythm, driven by a principle of slowness and fluidity, pulses through the sounds and images she creates. Minh embodies Ginkgökoko, an oneiric musical garden blending voice, piano, and electronic sounds, part pop, part experimental. She forges a universe where the transformation of materials, whether sonic or visual, distills in us the sensory experience of the forest and the promise of inner calm.

Yet, this iteration of the garden calls for disorder, unmoored from chronology, confusing biological markers. By employing objects from everyday life, relics from childhood, and transferring sovereignty from the human habitat to that of bees, Emilia offers a narrative that lies halfway between reality and fiction, capturing the unsettling effects of human civilization. These relics of a parallel history are both the original and the copy of symbioses between bees and humans, rethinking the hierarchy of living beings in a world where biological orders are subtly questioned. Emilia's installations are a window between our here and her there.

After chaos, life is born from an anarchy of forms and origins. Skin, bark, or rocky surface—the creatures Margot scatters throughout the space inhabit this mutant garden. Clay and wood merge to create beings in which the boundaries between human and non-human fade. Through the hybridization of flesh and architecture, she designs chimeras that redefine the limits between inert and living, sacred and profane. Here, the hybridity of bodies attests to a desire to establish continuity between living and non-living elements, inviting contemplation of relationship and becoming.

















































































































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credit image  © margotanquezbariseau